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Opéra en dix tableaux de Péter Eötvös (né en 1944)

d’après Le Balcon de Jean Genet (éditions Gallimard, 1969©)
Livret de Françoise Morvan en collaboration avec Péter Eötvös et André Marcowicz
Enregistré le 27 septembre 2013 à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet

Le Balcon, cette maison d’illusions d’une Madame Irma mère maquerelle diseuse de bonne aventure ou prêtresse travestie, ce bordel, ce claque où le postier, le cadre supérieur, le flic, le citoyen lambda, comme on le nomme souvent, viennent littéralement incarner, le temps d’une passe théâtralisée, le temps d’un jeu érotique burlesque, les figures du pouvoir, de l’autorité, ou de la religion ; ce Balcon pose à la société dans son ensemble, par la verve et le verbe acérés – mais délicieux – de Jean Genet, la question pure du simulacre, de son utilité, de son absolue nécessité peut-être, de ses absolus bienfaits, et de son lien évident avec l’Eros. Bousculant toute moralité, Jean Genet se risque à des questions essentielles rarement posées. Jouir n’est-il pas incarner ? Incarner n’est-il pas jouir ? Plus simple encore : jouir n’est-il pas jouer ? Jouer n’est-il pas jouir ? L’Image de la fonction ne porte-telle pas, en elle seule, la fonction ? Le Juge, le Général ou l’Évêque n’existent-ils pas surtout par la robe, le sabre, et la mitre ? – mais rutilants bien sûr ! – N’attendons-nous pas avant tout de la société que sa représentation soit réussie ? D’où naît la révolte contre les puissants ? Des mensonges qu’ils scandent, ou de leur incapacité à scander convenablement ces mensonges, de l’étroitesse de leur prestance ?

Ces questions fondamentales de Jean Genet face au public n’attendent pas de réponses arrêtées, définitives – y en aurait-il vraiment ? – mais donnent, le temps d’une œuvre, la possibilité d’y réfléchir (donc de s’y voir, de s’y mirer), et de reprendre, de retrouver le théâtre comme ce dernier lieu commun d’évasion, de fantasme pur, d’émotion épidermique et brute, de l’imaginaire en partage, du spectre des possibles. De se réapproprier le théâtre comme ce bien commun soignant nos plaies, manipulant nos imperfections comme un masseur nous dénoue, frôlant nos souffrances, nous convainquant de notre beauté, faisant encore de nous des héros ou des dieux… Les artistes de scène nous portent sur les tréteaux de l’Inquiétude, s’enrobant de nos anecdotes. Madame Irma monnaye l’oubli dans ses Salons…

Voilà les explications de ce choix, comme d’un manifeste fondateur, que l’ensemble Le Balcon détient en son baptême – osons le mot ! – son désir premier, l’essence de son existence, l’originelle sentence de sa charte artistique : chacun de ses concerts doit détenir un conte, feuilleter un livre d’images et de sons, animer une peinture d’harmonies, raconter une histoire.

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